Lettre au Président de la Chambre des Députés

Concerne : Projet de loi hospitalière et de planification hospitalière n° 7056

 

Monsieur le Président,

Le projet de loi émargé sous rubrique avait déjà, en l’état d’avant-projet, suscité certaines
critiques de la part de l’AMMD, puis avait été présenté au Conseil de Gouvernement dans une
version modifiée sur de nombreux points devant hautement intéresser l’AMMD, sans que
celle-ci n’en fût informée pour autant, ni a fortiori demandée en son avis. Le projet et son texte
ont ainsi été rédigés en écartant l’AMMD d’une consultation ou collaboration réelle. Ce n’est
qu’au bout de dizaines de réunions au sein de la Commission Santé, d’ailleurs en dehors de toute
nouvelle consultation de l’AMMD,- malgré sa demande formelle à être entendue,- que le texte a
été largement amendé, ce qui se veut comme preuve que le projet de base n’était ni abouti ni
pondéré.


L’AMMD avait initialement cru pouvoir comprendre que les plus grands défauts des dispositions
litigieuses critiquées par elle avaient été amendés de sorte à ce que les relations entre patient et
médecin n’étaient plus mises en porte-à- faux. Toutefois, l’AMMD constate actuellement qu’elle
doit maintenir sa position critique par rapport à ce projet de loi qui s’aligne dans le sens d’une
réglementation rampante aux bénéfices très incertains pour le patient.


Ayant pu prendre connaissance de la dernière version du texte amendé, l’AMMD voit confirmée la
mise à l’écart du rôle qu’elle a joué depuis sa fondation comme représentante du corps médical et
médico-dentaire. Cette attitude semble bien unique dans le contexte politique et social
luxembourgeois : tout récemment encore ce sont bien les syndicats OGB-L et LCGB qui ont
négocié le contrat collectif des salariés du secteur hospitalier et non pas leurs sections
représentant les salariés dans chacun des hôpitaux membres de la FHL !!


Lors de la dernière séance de la Commission Santé il a été décidé non seulement que le contrat-type liant les médecins hospitaliers non-salariés à leur hôpital serait régi par un contrat-type reprenant certains éléments clés du contenu, mais que ce contrat-type serait élaboré entre la FHL et la Conférence Nationale des Conseils médicaux créée par l’article 32 du projet no7056. L ‘AMMD ne s’oppose nullement à ce contrat-type ; bien au contraire, elle a combattu pour son maintien par la nouvelle loi alors qu’il s’agissait, pour elle, de protéger les médecins candidats à l’agrément se trouvant, après de longues études et stages de spécialisation, en situation de demandeurs vis-à- vis des gestionnaires hospitaliers. Il n’était nullement question - du moins pour elle - d’imposer des obligations supplémentaires au-delà de ce que prévoit la loi et l’AMMD, forte de son expérience et de sa représentativité, aurait été capable de mener son assistance à bonne fin.


L’AMMD est d’autant plus consternée par le nouvel amendement qui confie la mission à la CNCM qui vient seulement d’être constituée et dont l’activité reste à déterminer par voie de règlement grand-ducal. N’est-ce pas mettre la charrue devant les bœufs ? Une représentativité s’acquiert en principe par la confiance basée sur l’expérience et un choix démocratique, mais ne doit pas être imposée par la loi. Les conseils médicaux et la CNCM qui est leur émanation, sont constitués de médecins qui n’ont ni le savoir juridique, ni l’expérience pour affronter avec sérénité et efficacité une armada de juristes et d’économistes représentant les intérêts tactiques et stratégiques de la FHL.


Le rôle des conseils médicaux est d’intervenir pour des questions d’ordre médical et d’organisation médicale au sein des hôpitaux, et encore n’ont-ils été armés que de fonctions consultatives. Ce qui plus est : les responsables de la CNCM émaneront des conseils médicaux hospitaliers, et sont donc des médecins hospitaliers se trouvant sous l’autorité directe et indirecte des gestionnaires réunis en FHL. En d’autres termes, une des parties au contrat-type se trouve sous l’autorité de l’autre et pour le moins, sans parler des conflits d’intérêts possibles. Cette situation est inacceptable, ne fût-ce que pour le principe.


D’ailleurs faut-il rappeler que le contrat-type n’intéresse pas uniquement les médecins hospitaliers qui ont déjà signé leur contrat et obtenu leur agrément, mais autant les médecins qui ne sont pas encore hospitaliers, les médecins en voie de formation et l’ensemble du monde médical y compris les généralistes qui vont confier leur patients aux hôpitaux et qui ont tout intérêt à l’harmonie hospitalière.


C’est la raison pour laquelle la négociation du contrat-type ne doit pas être confiée à un organe qui vient seulement de voir le jour, dont le statut juridique est inconnu et dont l’efficacité restera à prouver dans le contexte des rivalités inter-hospitalières.


Si le Conseil d’Etat dans son récent avis a rappelé qu’il avait été constaté, il y a quelques années, que certains hôpitaux ne respectaient pas les dispositions du contrat-type conclu sous la loi actuellement en vigueur, pareil constat ne fait que montrer l’attitude des gestionnaires. Il fait cependant craindre des récidives de cette attitude dans la mesure où le cocontractant est une institution dont les responsables sont placés, ut singuli et dans leur exercice professionnel, sous
l’autorité des membres de la FHL.


L’AMMD se permet encore d’attirer l’attention sur un problème de cohérence avec des textes légaux existants :


1. Le CSS prévoit à l’article 62 (1) que : « La représentativité des groupements
professionnels s’apprécie au niveau de la profession en fonction des effectifs, de
l’expérience et de l’ancienneté du groupement ».
2. Le CSS prévoit dans son article 64 point 2 (6) que la convention liant la CNS et les médecins
et médecins-dentistes, prévoie obligatoirement « les domaines d’application de la
rémunération salariée »
3. La loi du 10 décembre 1975 relative au Centre hospitalier de Luxembourg prévoit dans son
article 10 point 5 e) « un modèle de contrat déterminant les conditions de travail et de
rémunération des médecins, élaboré après négociation avec l'organisation professionnelle
nationale représentative des médecins »


L’article 62 du CSS prévoit donc des critères déterminant le caractère de représentativité. Il est évident que la nouvelle Conférence des Conseils médicaux ne les rencontre pas. Ces textes légaux actuellement en vigueur attribuent la légitimité à l’AMMD en tant que négociateur pour les contrats de travail des médecins salariés du CHL et pour négocier avec la CNS les domaines d’application de la rémunération salariée.
La Commission Santé a décidé de suivre l’avis du Conseil d’Etat qui fonde son opposition formelle sur l’incohérence entre le nouvel article 32 et le nouveau paragraphe 1 er du nouvel article 33, d’une part et le paragraphe 7 du nouvel article 33, d’autre part.
Or, le contrat-type ne doit pas fixer des procédures puisque celles-ci doivent être continuellement adaptées à la bonne pratique et au progrès médical et que ces adaptations ne sauraient être reprises dans un contrat prévu à durée indéterminée sinon à longue durée.
L’affirmation du Conseil d’Etat n’est pas allée dans le sens de court-circuiter l’AMMD comme l’association la plus représentative des médecins mais voulait rendre attentif sur une cohérence des textes.


En évoquant les attributions futures et éventuelles de la Conférence nationale des conseils médicaux, les députés ont choisi d’attribuer le mandat de négociation dans les mains d’un sous-groupe de médecins au lieu et à la place de l’AMMD, ce qui équivaut à et est compris comme un acte écartant l’association la plus représentative des médecins. Comme les attributions de la Conférence nationale des conseils médicaux devraient être déterminées par un règlement grand-ducal encore inexistant, le CE n’aurait pas dû soulever une incohérence entre les attributions d’une CNCM alors que précisément elles ne sont pas encore définies. C’est la Commission Santé qui devance ainsi, par son initiative, toute discussion sur d’autres attributions éventuelles d’une CNCM.


L’AMMD estime finalement que le point 4 du contenu minimal du contrat-type de collaboration repris dans l’amendement du projet de loi ne devrait pas y figurer comme il implique une possibilité de restriction de la pratique médicale, justement prohibée par les impératifs de constitutionnalité évoquées par le CE dans son premier avis. Si le CE reste en ligne avec les
critiques formulées antérieurement, il devrait réitérer une opposition formelle.
L’AMMD propose donc de ne pas reprendre le point 4 du contenu minimal du contrat-type et défend avec fermeté la légitimité de mandat de négociation du contrat-type avec le groupement des hôpitaux.
En effet, c’est l’AMMD qui rassemble non seulement l’ensemble du corps médical et médico-dentaire mais jusqu’ici elle a fait preuve également de partenaire incontournable et responsable pour aider à développer le système de santé au Luxembourg, ceci toujours en étroite collaboration avec les conseils médicaux et associations de spécialités. L’AMMD rappelle à ce niveau son incompréhension de l’obstination de certains pouvoirs publics à vouloir l’écarter des processus législatifs et réglementaires tout comme négociateur de conventions alors qu’elle est bien l’association la plus représentative des médecins et médecins-dentistes, -véritable dénominateur commun du corps médical et médico-dentaire, et que c’est la seule association possédant une large expérience pour l’ensemble des domaines de la santé et de la sécurité
sociale. Pour ces raisons, l’AMMD se doit de défendre et défendra le corps médical et médico-
dentaire, et par là les intérêts des patients, avec tous les moyens à sa disposition.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’expression de notre très haute considération.

 

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