Prise de position

 

Objet : Débat public du Conseil communal de la ville d’Esch-sur-Alzette du 6 décembre 2019

Monsieur le Bourgmestre,


C’est avec consternation que l’AMMD prend acte de l’intervention verbale de Madame Vera
SPAUTZ lors du débat public au Conseil communal de la ville d’Esch/Alzette, en date du 6
décembre dernier, que vous avez présidé.
L’intervention de Madame SPAUTZ portait sur le futur Südspidol etsur les discussions internes
y relatives du Conseil d’administration du CHEM, dont les membres s’étaient échangés lors
d’une discussion stratégique ayant eu lieu peu de temps avant.
De toute évidence, les positions de l’AMMD avaient fait l’objet de discussions lors de celle-ci
et Madame SPAUTZ a étalé en public, lors de votre réunion du Conseil communal, des
éléments de réflexions internes au CHEM .
En outre, Madame SPAUTZ, Conseillère municipale, membre du Conseil d’administration du
CHEM, ancienne Bourgmestre, ancienne Députée et ancienne Présidente du Conseil
d’administration du CHEM, a déclaré qu’elle n’avait plus confiance dans la personne du
Directeur général, le Dr Hansjörg REIMER, ce qui est pour le moins choquant pour une
intervention publique, et elle s’est adonnée à des affirmations confuses, voire mensongères à
l’encontre du corps médical et de ses représentants, en particulier du Dr. Alain SCHMIT en sa
qualité de Président de l’Association des Médecins et Médecins-Dentistes.
L’AMMD tient en conséquence à prendre position par rapport aux dires de Madame SPAUTZ.

L‘AMMD, en tant qu’association médicale la plus représentative des médecins, est
l‘interlocuteur essentiel entre médecins et les autorités de tutelle. Les propos de Mme SPAUTZ
et sa volonté de chercher ouvertement le conflit avec le corps médical et médico-dentaire
démontrent encore une fois que certains acteurs politiques ignorent la réalité du terrain. Ces
provocations ne peuvent susciter qu’un réflexe de méfiance et de défense justifié de la part
de notre association.

Il est encore inacceptable que Madame SPAUTZ stigmatise le corps médical et médico-
dentaire, ainsi que ses représentants en les qualifiant de « lobbyistes extrêmes », et ceci du
seul fait que l’AMMD propose des idées qu’elle ne partage pas, ou concrètement, qu’elle ne
veut pas comprendre. Accessoirement elle foule délibérément aux pieds la liberté syndicale.
Lors de son intervention, Madame SPAUTZ a mis l’accent, prioritairement, sur la sauvegarde
de l’emploi des salariés par rapport aux besoins médico-soignants des patients. Et pourtant
c’est l’hospitalo-centrisme prôné qui met en danger non seulement les emplois dans le secteur
de la santé tout comme il met en péril l’accès aux soins de qualité des patients.
Or, nonobstant d’un financement essentiellement public des soins de santé et de contrats
collectifs en vigueur dans le secteur hospitalier, les emplois correspondants et les acquis
sociaux ne seront garantis que sous condition de préparer l’avenir. Il est indispensable de le
retenir à l’esprit, afin d’être à même de livrer à l’avenir les bons soins en phase avec le progrès
médical. Cette nécessité unanimement reconnue semble avoir échappée à l’oratrice sans
clairvoyance.
L’AMMD quant à elle œuvre pour la mise en pratique d’un des points de l’accord de coalition
2018-2023, signé notamment par les représentants du parti politique de Madame SPAUTZ :
Accord de coalition 2018-2023, page 100 :
« Virage ambulatoire
Des mesures favorisant et accompagnant le « virage ambulatoire » seront mises en place. Il
s’agira d’assurer la promotion des alternatives à l’hospitalisation classique lorsque cela est
possible sans perte de qualité, en accord et dans l’intérêt du patient. Des incitants financiers
seront introduits en faveur des prestataires et des patients tant dans la nomenclature des actes
et des services médicaux, que dans les financements des hôpitaux et au niveau des modalités
de remboursement. La création de structures de soins d’aval sera soutenue, permettant de
réduire les délais de séjour en milieu hospitalier. Les offres d’hospitalisation à domicile ou dans
d’autres structures de soins intermédiaires et moins coûteuses seront soutenues en
développant un plan d’action « out of hospital ».

Par son exposé, qui illustre une méconnaissance profonde des vrais enjeux du système de
santé et du contenu de l’accord de coalition, Madame SPAUTZ ne semble pas pouvoir
s’imaginer que la notion de progrès médical va de pair avec une réorganisation de la prise en
charge des patients correcte, c.à.d. conforme au progrès de la science.
Il faut le dire clairement : les temps du système de santé luxembourgeois comme on le connaît
jusque-là, avec une approche centrée sur le système hospitalier, ne correspondent désormais
plus à l’actualité ni à la réalité d’aujourd’hui. En continuant à se tenir à des idées sectaires et
partisanes ancrées dans le siècle passé, on risque de mettre en danger des milliers d’emplois
du secteur de la santé de notre pays.
Qu’en est-il concrètement du progrès médical ? En fait le progrès médical n’est pas un vain
mot ! Depuis un centenaire on observe l’évolution, -grâce au progrès médical-, des soins
lourds pour des maladies graves et ne pouvant être administrés que dans un hôpital vers des
soins rendus plus simples et plus efficients pouvant être donnés en ambulatoire, voire au
domicile des patients.

Le progrès médical est en train de changer l’histoire naturelle des maladies considérées
jusqu’ici comme mortelles en maladies chroniques, et finira même par permettre une
guérison de celles-ci. De plus le progrès développera des techniques préventives efficaces.
Pour ne prendre qu’un exemple :le SIDA, maladie infectieuse mortelle à sa découverte est
actuellement une maladie chronique mais qui deviendra guérissable, voire évitable. De
nombreux cancers jadis mortels, ont pu être mutés en maladie chronique pour bientôt
terminer en maladie guérie.
La prévention jouera également un rôle majeur dans les avancées médicales du futur.
Les personnes âgées par exemple, pourront être monitorées par des capteurs signalant en
temps réel tous les paramètres vitaux usuels, mettant ainsi la surveillance médicale au même
niveau que celles pratiquées dans nos unités de réanimation hospitalières actuelles, et ceci
au domicile des patients ! Ceci permettra d’éviter bon nombre d’hospitalisations de patients
gériatriques. A l’échelle de ces patients, la notion de médecine préventive prendra une toute
autre signification. On aura toujours besoin d’infirmières qui surveillent, mais en dehors de
l’hôpital.
Le « shift » de l’hospitalier vers l’extrahospitalier/ambulatoire n’est pas une lubie créée par
l’AMMD. Il s’agit d’une réalité trop longtemps ignorée par un certain nombre de décideurs
politiques, attitude et état d’esprit partisan dont Madame SPAUTZ est le reflet. Le pays ne
peut plus se permettre de louper le rendez-vous avec le progrès médical. Le problème de la
démographie galopante de la population est réel et se heurte à une démographie médicale
en chute rapide et inquiétante et l’hospitalo-centrisme perpétué freine l’accès des patients à
leurs soins.
Toutefois, si le passage de l’hospitalier vers l’extrahospitalier est un passage obligatoire, il se
fera progressivement et au cas par cas. En effet, une intervention considérée comme
stationnaire pour un patient peut être pratiquée en mode ambulatoire pour un patient plus
valide. Le médecin doit ainsi non seulement poser une indication d’un geste diagnostique ou
thérapeutique, mais en toute logique également décider de son application pratique en mode
ambulatoire ou stationnaire. Il se trouve donc au centre des décisions médicales et le patient
en tirera le meilleur des bénéfices si son médecin travaille invariablement dans les deux
structures, ambulatoire et stationnaire.
La dynamique de publications scientifiques en progression exponentielle se veut comme
preuve que le progrès médical avancera en vrai Tsunami. Les pratiques d’aujourd’hui vont être
désuètes en un temps record pour être remplacées à nouveau par d’autres à un rythme
effréné.


A ce niveau, se posera la question du financement de techniques toujours plus innovantes !
Le carcan rigide d’un financement par enveloppe budgétaire a fait ses preuves d’inefficience.
Un financement à l’activité pour une activité ambulatoire, ne peut être compris comme
pratique commerciale sur le dos des patients, mais comme garant d’une source financière
indispensable à accompagner les investissements techniques nécessaires.
Pour permettre la mise en place de ces changements structurels, il faut absolument créer des
modes de gestion plus flexibles et adaptés aux nouveautés technologiques.
C’est pour cette raison que l’AMMD propose la création de structures ambulatoires dotées de
la personnalité juridique et qui pourraient être cogérées par les hôpitaux, ensemble avec des
sociétés d’exercice libéral des médecins, dont l’objet légalement consacré n’est pas
commercial mais civil.
Contrairement aux allégations de Madame SPAUTZ, l’AMMD ne souhaite pas « créer une
médecine centrée sur le profit » en créant des structures commerciales, mais elle souhaite
créer des unités ambulatoires innovantes et flexibles, aptes à faire face aux impératifs d’un
monde qui change, en investissant dans le progrès, tout en évitant la phagocytose de ces
entités par des consortiums internationaux. Prétendre que l’AMMD cherche à promouvoir
une médecine à deux classes est du tapage visant à troubler les citoyens. Le fait que l’AMMD
a créé une société commerciale axée sur la promotion de la digitalisation n’a strictement rien
à voir avec les sociétés d’exercice libéral des médecins ou encore les futures structures
ambulatoires dont la gestion et la personnalité juridique restent à définir. Là encore, Madame
SPAUTZ n’hésite pas à semer la confusion en puisant dans un recueil abject de contrevérités.
L’AMMD demande à ce que le corps médical puisse, à l’instar d’autres professions libérales
réglementées, avoir la possibilité de se regrouper en sociétés d’exercice libéral, qui visent non
pas à privatiser la médecine luxembourgeoise mais qui permettent une meilleure organisation
et prise en charge des patients.
Les structures ambulatoires ainsi créées n’auront pas comme but d’entrer en compétition
avec les hôpitaux mais ils auront vocation à exister en complémentarité. Le personnel
paramédical de ces sociétés pourra même être mutualisé, tout comme les médecins. Ceux-ci
auront un contrat d’agrément avec l’hôpital afin d’éviter la désertification médicale des
hôpitaux.
Les modèles de tels partenariats dont des modèles de ‘’public private partnerships’’ entre
structures ambulatoires et hospitalières, que Madame SPAUTZ fustige, existent depuis
longtemps à l’étranger et ont fait preuve d’un vrai succès dans la prise en charge médicale des
populations assurées.
Le Südspidol n’est donc en aucun cas menacé par les idées soutenues par l’AMMD. Bien au
contraire, la mise en œuvre du concept est le garant d’une médecine moderne et ceci dans
l’intérêt de toutes les communes du sud du pays, de leurs citoyens voire de la population
assurée non résidente de la région frontalière.
En conclusion, Madame SPAUTZ essaie de discréditer l’AMMD par des mensonges, des
arguments populistes montés de toute pièce afin de faire peur aux salariés du CHEM en
particulier et aux citoyens en général. Une telle approche pourrait être comprise dans un
contexte de tentative de reprise de pouvoir à la Commune d’Esch/Alzette au détriment des
patients qui sont en légitime attente de décisions politiques pragmatiques tenant compte du
progrès médical.
L’AMMD ne peut accepter que ses positions soient mal rapportées au point de les détourner
de leur sens initial et appelle aux responsables politiques de mener des discussions sereines
et responsables, avec des arguments fondés, en phase avec la réalité et les enjeux actuels du
système de santé. Le jeu politique ne doit pas être mené au détriment des patients. En
conséquence et afin de clarifier toute question résiduelle éventuelle, l’AMMD demande une
entrevue dans les meilleurs délais avec les représentants du Conseil communal.
Dans l’espoir que ces lignes trouvent une réception favorable, nous vous prions d’agréer,
Monsieur le Bourgmestre, l’expression de notre plus haute considération.

Le Conseil d’Administration de l’AMMD

(s) Dr Alain SCHMIT                (s)Dr Guillaume STEICHEN                (s) Dr Carlo AHLBORN
     Président                                Secrétaire général                                  1er Vice-Président

Copie :
Echevins et membres du Conseil communal de la ville d’Esch-sur-Alzette
Président du Conseil d’administration du CHEM et à ses membres

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