Face au covid, les dentistes serrent les dents

Interview du Dr Carlo Ahlborn, Président du CMD et Vice-Président de l'AMMD, au Luxemburger Wort

Durant les six semaines de confinement, la profession a soigné quelque 3.000 patients. Aujourd'hui, les nouvelles contraintes sanitaires bouleversent le travail quotidien d'un métier exposé au risque d'infection.

Cabinets fermés. Des semaines durant, les patients ont ainsi trouvé portes closes quand ils souhaitaient prendre rendez-vous chez leur dentiste. «Par principe de précaution, nous avons décidé que la profession ne devait pas prendre de risque ou faire prendre des risques», indique le Dr Carlo Ahlborn, vice-président de l'AMMD (Association des médecins et médecins-dentistes). Mais tout aussi rapidement la corporation mettait en place un système de garde et d'urgence. «Notre façon de monter au front aussi.»

Car oui, les dentistes ont assuré les soins même au cœur de l'épidémie. Dans chaque région, un cabinet avec deux praticiens a continué de fonctionner. «On savait déjà que la contamination pouvait venir des aérosols (postillons, projections buccales ou nasales, etc) mais nous sommes éduqués, formés pour soigner et c'est ce que nous n'avons pas cessé de faire.» Pendant que les différents centres de soins avancés du pays assuraient l'accueil de 9.000 personnes, les dentistes de permanence soignaient 3.000 patients. «Notre front à nous, c'était ces bouches grandes ouvertes», sourit Carlo Ahlborn.

 

Le Tyvek produit à Contern fait barrage au covid

Côté protections, en plus de l'habituelle panoplie, le métier a pu compter sur des équipements mis à disposition par le ministère de la Santé. A commencer par les tenues Tyvek si difficiles à trouver au début de l'épidémie. «Il y a eu cette distribution malheureuse de masques FFP2 défectueux. Mais je crois que si personne n'a trop grondé les autorités, c'est parce que nous avons vu qu'il y avait bien des contrôles effectués et que sitôt la défaillance de qualité repérée le produit a été retiré.» D'ailleurs, globalement, le vice-président de l'AMMD salue la «bonne symbiose» entre l'administration nationale et le milieu médical. 

Durant cette période si particulière du lockdown, les dentistes ont aussi vu venir sur leurs fauteuils une population nouvelle. Comme les ouvriers du bâtiment qui, libérés des chantiers, pouvaient se concentrer sur leur santé et les soins à apporter à leur dentition. Tout comme il a été constaté de nombreuses visites liés avec des... accidents de vélo. La bicyclette étant bonne pour les muscles et le sentiment de liberté mais pas forcément pour les canines et incisives de ceux qui chutaient.

 

Satisfaction du côté du Dr Ahlborn : la profession des médecins-dentistes a su se mobiliser pour assurer les soins même en plein confinement.

 

«Aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'il y a eu un report des consultations. Les patients qui étaient vraiment dans l'urgence sont venus, les autres savaient qu'ils pouvaient attendre.» Pas de file d'attente donc devant les cabinets dentaires du pays. Les rendez-vous se prennent avec les mêmes délais qu'avant le coronavirus... «Mais notre pratique heure par heure a changé», note le dentiste installé à Luxembourg-ville.

Le changement, affirme le Dr Ahlborn, n'est pas à chercher au niveau de la stérilisation des outils «qui était déjà calibrée sur l'hépatite B (bien plus résistante que le covid-19)», mais plus «dans l'organisation entre chaque patient». De la mise à disposition de gel à l'entrée des cabinets, à la réorganisation des salles d'attente en passant par le nettoyage des fauteuils ou la préparation du matériel de consultation : le retour à la ''normalité'' a pris un visage inédit. 

Un changement d'image

Alors, de fait, les dentistes ont dû adopter un autre rythme de soins aussi, parfois s'équiper de nouveaux dispositifs antiviraux. «Mais l'essentiel est que la permanence des soins a été maintenue et qu'aucun professionnel n'a été infecté sur son lieu de travail», avance le représentant de la profession. Un métier qui compterait dans le pays quelque 500 hommes et femmes habilités à exercer, compris des non-résidents d'ailleurs. 

«Je crois que les politiques mais aussi la population ont eu la preuve que nous savions répondre présent dans une situation grave en tant que professionnels de santé. En nous organisant, en étant constamment présents, en répondant à l'urgence médicale malgré le risque.» Et le représentant de l'AMMD veut croire que cet engagement aura un impact positif sur l'image de marque de la profession de médecin-dentiste au Luxembourg. 

 

Les rendez-vous à l'hôpital se font sans accompagnant

«Au passage, certains ont peut-être pris conscience que notre métier ce n'était pas juste de boucher des trous ou réajuster un sourire. J'espère aussi que d'autres auront noté que notre job consiste à soigner, exercer selon les données de la science quand eux nous voyaient juste comme générateurs de remboursements...» Un point que le praticien entend bien rediscuter quand l'heure sera venue, à l'occasion de la reprise des négociations sur la réforme du système de santé.

 

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