Démission du Conseil de gérance de l’Agence eSanté

Monsieur Christian Oberlé
Président du Conseil de gérance de l’Agence eSanté

 


Luxembourg, le 25 octobre 2022

Monsieur le Président,


La digitalisation du domaine de la Santé est une pierre angulaire d’un système de
santé dirigé vers l’avenir. Toutefois, il faut qu’il soit réellement centré autour du patient
tout en respectant résolument la liberté des professionnels de santé et en particulier
celle des médecins et des médecins-dentistes.


Après 10 ans d’existence de l’Agence eSanté, il faut malheureusement constater que
le corps médical et médico-dentaire siégeant au sein du Conseil de gérance de
l’Agence eSanté, n’a pas été suffisamment considéré et impliqué. Ses initiatives pour
faire avancer rapidement la digitalisation ont même été sabotées.


Le corps médical et médico-dentaire déplore que les démarches de l’Agence eSanté
en matière de digitalisation de la santé n’aient pas tenu compte ni des demandes du
terrain ni de l’input concret et substantiel que nous avons livré.


En janvier 2018 déjà, l’AMMD avait dénoncé fermement l’ouverture illicite de 23000
dossiers DSP sur l’initiative du Directeur général de l’Agence. Cette action
irresponsable du Directeur général a été sanctionnée par un blâme.


En 2019, un audit commandité par la CNS a conclu que la digitalisation ne pourrait se
concrétiser sans l’appui ferme de tous les acteurs du système de santé dont les
médecins et les médecins-dentistes.


Malgré ces avertissements, la Direction générale a maintenu une approche excluant
ces derniers, comme l’a illustré sa démarche dans le cadre d’un sujet aussi primordial
que celui de la prescription électronique. Lors d’une réunion du 22 octobre 2021
organisée par l’Agence eSanté, l’AMMD n’a pas été invitée et elle n’a même pas été
informée.


L’AMMD n’a pas seulement revendiqué certains principes de respect des libertés de
chacun, mais elle a également proposé un concept innovant de digitalisation, pouvant
se greffer sur les développements de l’Agence, tout en remettant le patient au centre
de la démarche et en considérant les impératifs d’autonomie professionnelle.


Concrètement, le corps médical et médico-dentaire déplore les faits suivants :
1. L’approche « opt-out » du DSP (dossier de soins partagé) pose de réels problèmes
en matière de garantie de la protection des données ;
2. Le corollaire de l’ouverture implicite du DSP est le stockage en masse de données
de santé sans accord explicite des patients concernés ;
3. Les données de santé stockées en masse sur le DSP ont une valeur juridique
inexistante alors qu’elles ne sont pas signées électroniquement par leurs auteurs ;
4. L’absence de signature électronique valable des documents de santé, compromet
encore une fois la liberté du patient qui ne dispose pas librement de ses propres
documents de santé, qui n’ont aucune validité en dehors de l’espace de stockage de
l’Agence ;
5. Le DSP peine par le stockage de documents sur 10 ans, dont l’intérêt éphémère
des tests PCR du virus corona n’est que la caricature. Le DSP devient ainsi une
carcasse collectionnant des documents non valides d’un point de vue juridique et d’un
intérêt médical parfois douteux.


L’initiative de l’AMMD créée pour pallier les déficits structurels et conceptionnels du
DSP a été progressivement mais sciemment boycottée par différents acteurs dont les
Ministres de la Sécurité sociale et de la Santé. Le projet DHN développé et mis en
œuvre au départ avec un soutien politique fort et sans équivoque permet de redonner
des libertés essentielles aux patients et aux citoyens. La convivialité d’utilisation et
d’intégration possible et visée des acteurs rendent possible un réel déploiement digital
inédit défiant toute comparaison internationale.


L’appui politique s’est malheureusement évaporé et l’AMMD entend sanctionner d’un
carton rouge la politique de santé actuelle, rétrograde et inefficace, qui fait primer la
poursuite d’intérêts contraires à l’intérêt général de la société et des patients.


Le corps médical et médico-dentaire n’a d’autre choix que de retirer son soutien à une
Agence qui n’est manifestement pas à la hauteur de ses tâches et qui ne fait preuve
d’aucune volonté et d’aucun pragmatisme en vue d’œuvrer dans l’intérêt des patients.


La conséquence immédiate, exprimée unanimement par le corps médical et médico-
dentaire lors de l’Assemblée générale extraordinaire de l’AMMD du 12 octobre passé,
est que les membres nommés par l’AMMD au sein du Conseil de gérance de
l’Agence eSanté démissionnent avec effet immédiat. Pour l’heure, l’AMMD
n’entend plus siéger au Conseil de gérance de l’Agence eSanté et ne nommera aucun
nouveau représentant. L’AMMD refuse de faire de la figuration au sein de l’Agence
eSanté ou de lui donner un quelconque crédit en y siégeant.


Avec nos meilleures salutations,

 

 

Dr Alain Schmit                                                 Dr Guillaume Steichen
Président                                                             Secrétaire général

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